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Jean-Paul Belmondo, un Français dans un corps d'Italien

Belmondo... Quel joli nom! Beaumonde... Comme Marcelo Mastroianni ou Clint Eastwood, Jean-Paul Belmondo plaisait aux hommes et aux femmes. Ils voulaient être son ami. Elles voulaient être avec lui. Son tombeau c'est aussi notre tombeau. Il emporte beaucoup de nous. Sa filmographie est dominée par A bout de souffle et Pierrot le fou, deux films de Jean-Luc Godard, tournés en état de grâce. Deux poèmes cinématographiques inégalables.


La mort de Jean-Paul Belmondo est récupérée par des journaux qui au fond le méprisaient de son vivant car ils appartiennent aux bien-pensants. Ceux qui vont dans le sens du vent. Lui se moquait complétement des suivistes. Il n'en faisait qu'à sa tête, mais il marchait droit, selon la formule de Jean Gabin qui appréciait le "môme" depuis le tournage d'Un singe en hiver où ils passèrent leur temps à parler de vélo, de football et de boxe. Ils lisaient plutôt L'Equipe que les cours de la bourse. Le rêve de Belmondo était d'être le nouveau René Vignal. Comme il n'a pas pu le réaliser, il jouait gardien de but avec les Polymusclés. Je l'ai vu jouer à Villefranche-sur-mer: il n'avait peur de rien, et plongeait dans les pieds des attaquants comme son illustre modèle. Un très bon goal. Sur surnom Bébel vient d'un personnage des Bas-Fonds de Gorki, Pepel incarné par Jean Gabin au cinéma. Comme Bébel portait toujours le même pull-over, ses amis du Conservatoire l'ont assimilé à un cloche dingue.

Belmondo était méprisé par l'intelligentsia parce qu'il avait une très grande popularité. Les puissants socialement regardent les autres comme un peuple de fourmis. Les cinéphiles voulaient l'enfermer dans la nouvelle vague mais lui se moquait des étiquettes. Quand il jouait dans un film de Resnais les critiques le trouvaient mauvais. Lui s'envoyait en l'air avec les femmes comme sous les hélicoptères. Un macho avéré. Un macho très convoité. Le contraire de Fabrice Luchini. Vous imaginez Luchini boxer trois malfrats ? Belmondo n'était pas du genre à se contenter de faire la lecture. Il aurait eu l'impression de voler le public. Lui s'amusait comme un gamin au temps de la panoplie. Il pouvait poser avec un caleçon à pois sans être ridicule. Etre un Louis Jouvet de quatrième zone ne l'intéressait pas. Il préférait faire l'imbécile. L'anti bobo par excellence. Un adepte du bras d'honneur. Roi des provocateurs. Le coeur toujours sur la main. "Bon voilà..." disait-il quand on le complimentait. Sous-titres de passons à autre chose, svp.

Il disait que rien n'était plus facile que de jouer un curé dès qu'on enfilait une soutane. Se maintenir sur le toit d'un métro cela lui plaisait plus. Cela lui rappelait l'enfance: cap ou pas cap ? Jadis au Gala des Artistes, Jean Marais avait montré le chemin. Auparavant Roland Toutain et Gérard Philipe aussi. Quand on lui disait d'aller faire carrière aux Etats-Unis, il disait qu'il parlait plusieurs langues mais toutes en français !

Figure de proue des Trente Glorieuses- avec Alain Delon son double en version beau ténébreux- il n'était plus du tout tendance avec sa collection de femmes, ses bagnoles, ses cigares, ses concours de pets. Il incarnait la moto sans casque, la voiture sans ceinture de sécurité. Pas toute la bimbeloterie de la fausse modernité. Le coureur de jupons était fidèle en amitié. Cela ne plait pas aux femmes qui ont des sécateurs à la place de jambes. En plus, il pouvait balancer une droite à celui qui lui avait manqué de respect. D'aucuns ne lui pardonnaient pas d'avoir tourné Docteur Popaul de Claude Chabrol, une gaudriole où il jouait quelqu'un qui essayait de décrocher la plus moche. Aujourd'hui, il serait pendu dans tous les talk-shows par ceux qui l'ont encensé depuis sa mort. Les grands acteurs ont plus tourné de navets que de grands classiques, il suffit de voir la filmographie de Bourvil et celle de Fernandel. Entre les cinéastes qui représentent sans cesse la France au Festival de Cannes et H. Verneuil, son choix était vite fait.

Jamais il n'a pris la parole pour nous expliquer ce qu'il fallait dire ou fallait faire face à la montée du FN, face aux intégristes, face à toutes les hystéries. Rien avoir avec Yves Montand qui était si loin de l'image qu'il donnait. Jean-Paul Belmondo préférait réhabiliter l'oeuvre de son père sculpteur qui était blacklisté depuis la Seconde Guerre mondiale où il avait trop accepté les invitations allemandes. On n'avait pas besoin de savoir ce que pensait Jean-Paul Belmondo, on le savait d'avance. C'est son père qui l'a fait retourner au théâtre, lui disant: "Ton vrai métier c'est la scène, pas les cascades..."

Il se laissait photographier avec la clique des vedettes actuelles mais lui pensait à Pierre Brasseur, Noël Roquevert, Michel Simon et Jules Berry. Il a grandi au milieu de vrais acteurs. Il a vieilli avec des ectoplasmes de réseaux sociaux.

A plus de 80 ans, il disait toujours papa et maman quand il parlait de ses parents.

Il est mort jeune. Il n'a jamais été vieux malgré les apparences.

Il était d'origine italienne. Cela se voyait. Rien à voir avec le genre d'imposteurs comme cet avocat ministré dont les flatteurs disent qu'il est le nouveau Lino Ventura.

Il incarnait la splendeur de l'Italie qui nous a donné Zola et Coluche, Louis Nucéra et Robert de Niro, Serge Reggiani, Fabrice Luchini... La liste est longue. Jean Cocteau a dit que les "Français étaient des Italiens de mauvaise humeur", Ce qui prouvent bien qu'il n'avait pas coupé ses racines italiennes.

Le bel hommage que la Nation lui a rendu s'est déroulé à Paris qu'il aimait tant. Lors de la cérémonie de Charles Aznavour, il avait dit: "C'est mérité..."

Si Jean-Paul Belmondo était éclectique, Gérard Philipe le fut avant lui, mais la mort de l'icône du TNP a eu lieu dans une époque sous-médiatisée. Enfant, je m'identifiais à Fanfan la Tulipe et aux Aventures de Till l'Espiègle. Des films qui annonçaient les cabrioles de Belmondo.

Son petit-fils Victor qui l'appelle "Papy" le compare à un soleil. C'est dire les ondes qu'il diffusait. Il gardait le meilleur pour les autres. Le pire- la mort de sa fille dans un incendie- il le gardait pour lui. Pudeur oblige.


A lire: -Ti amo Francia, Alberto Toscano. Armand Colin, 287 p., 19, 90 €. Ouvrage sur tous les Italiens qui ont fait la France. Presque tous. Ils sont si nombreux.

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