Comme tous les polémistes, il a dérangé avec des propos parfois outranciers. Cependant, je ne vais hiérarchiser entre les morts de cette hécatombe de fin d'été: Sempé ? Bien. Alain Tanner ? Bien. Irène Papas ? Bien. Javier Marias ? Bien. Jean-Luc Godard ? Le mal absolu, le diable ! Je ne suis pas juge.
Les médias lui ont donné le rôle de l'enfant terrible.
Ils lui opposèrent Truffaut, plus docile avec les journalistes.
Dans l'émission Cinéma,Cinémas, il expliqua que les médias ont tué Truffaut qui s'y montrait trop.
Toutes les interventions médiatiques de Godard étaient géniales.
On lui remet un prix, il se moque des" professionnels de la professions".
Antoine Vitez l'invite dans une émission où il dit que "le théâtre c'est la guerre". Godard le reprend de volée et dit que le "cinéma c'est la paix!".
En direct à la télé, au journal TV de Philippe Labro, le jour du retour d'une fusée, il dit: "Tout ça est bidon, c'est du studio..." Et il rajoute: "La télé c'est pas terrible... Tenez, pouvez-vous me remettre le début du journal ? Non, et ben! vous voyez..."
Il pouvait faire mal, très mal, comme chez Ardisson, quand il dit devant Anna Karina que leur amour fut une erreur de jeunesse, quelque chose comme ça. Son ex femme se mit à pleurer. La violence de Godard était le bouclier de sa tendresse.
C'était aussi un politique. Marginal ? "La marge c'est ce qui fait tenir un livre".
Il déchira toutes les pages du Nouvel Obs avec la présence de pubs, il ne lui resta plus que les agrafes !
Il révolutionna le cinéma avec A bout de souffle sans le faire exprès. Tout est venu du bricolage, du manque d'argent. Jean-Paul Belmondo pensait tourner un navet.
Pierrot le fou, là, c'est le film d'un écrivain-peintre ou peintre-écrivain.
Le Mépris ? Rien que le fait d'avoir tourné sur la terrasse de la ville de Curzio Malaparte, c'est un chef d'oeuvre. C'est la plus belle villa du monde.
Un jour à Cannes, il dit au concierge de l'hôtel:
-"Vous me reconnaissez mais vous n'avez jamais vu l'un de mes films alors que vous ne connaissez pas Georges Lautner dont vous avez vu et revu pourtant Les Tontons flingueurs..."
Godard savait qu'il n'était pas et ne serait jamais populaire. Il l'avait bien cherché avec des films trop expérimentaux.
N'empêche je préfère les films non aboutis de Godard aux films de toute la racaille moderne qui propose des âneries à longueur de temps. Et qui sont sélectionnés pour Cannes. Je parle des films français filmés par des cinéastes nullissimes. Et prétentieux en plus.
Godard était un vrai insoumis par une marionnette du PAF.
Je le revois à Roland Garros dans la loge du producteur, au niveau du cours.
Il aimait le sport.
Il disait aussi à Johnny Hallyday: "Cela serait mieux de passer dans de petites salles, rien qu'avec une guitare".
Une voix, un visage, une façon de parler, de penser, de filmer.
Il a choisi de quitter ce monde, de plein gré.
Il a mis le mot fin, comme Proust.
THE END.
PS: demain Libération va bien se vendre. C'est devenu le plus grand faire-part du PAF.
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